Les micro-agressions et agressions racistes

J’avais rationalisé le monde et le monde m’avait rejeté au nom du préjugé de couleur.

Peau noire, masques blancs, Frantz Fanon, 1952

Définition

On peut voir les micro-agressions racistes comme des incidents malvenus, des maladresses donc ne pas voir le côté agressif et répétitif de ces événements. Comme, par exemple, dire à une personne racisée qu’elle parle bien. Cela suppose que la personne ne vivait pas en France auparavant et donc cela nécessite d’être souligné. Ou des phrases du type « T’es belle pour une Noire » qui suppose que, de base, les femmes noires sont laides et l’interlocuteur.rice considère cette phrase comme un compliment ou encore « Tu viens d’où » qui s’apparente à une curiosité mal placée et qui suppose que la personne vient d’ailleurs, hors de France. Généralement, il n’y a pas d’agressions physiques mais ce sont des phrases types, basées sur des préjugés, qu’une personne racisée peut entendre très régulièrement au cours de sa vie sociale et cet aspect répétitif peut impacter la santé mentale à la longue.

L’éducation et la sensibilisation

Très peu de personnes ont reçu une éducation pour prévenir ces micro-agressions racistes. En effet, la question du racisme est très mal abordée dans l’éducation scolaire, à la maison.  Très souvent, elle n’est pas pensée comme une question centrale. Souvent, on parle du racisme au moment où des situations racistes se produisent, cela peut même arriver que des parents n’en parlent jamais car leurs enfants ne sont jamais confrontés à des situations racistes. Certains parents apprennent aussi à leurs enfants à être color-blind, ce qui tend à invisibiliser le racisme.

Comme dirait Frantz Fanon, les personnes racisées, et en particulier les Noir.e.s, n’ont pas la possibilité de laisser dans l’inconscient la couleur de leur épiderme, elles y sont confrontées malgré elles, elles sont « sur-déterminés de l’extérieur ». C’est leur « apparaître » qui produit un préjugé, une socialisation différente des Blanc.he.s qui ont le droit « de passer inaperçu ».

S’interroger sur son racisme intériorisé

Les personnes racisées sont toutes confrontées à des micro-agressions et à des agressions racistes mais à des degrés différents, plus ou moins graves, en fonction de leurs ressentis. Ces différentes expériences sont aussi liées au milieu social et au genre. Le racisme peut être finalement vu comme un spectre allant de 0 à 10 :

  • 10 représente les personnes racistes défendant la suprématie blanche ;
  • 0 représente les anti-racistes

Tout le monde se situe sur ce spectre et se déclarer non raciste ne suffit pas à ne pas être raciste et/ou avoir des comportements racistes et/ou des propos racistes. Il suffit de voir les négrophiles qui, sous couverts d’aimer les Noir.e.s, exercent une forme de racisme bienveillant avec un rôle un peu paternel, infantilisant.

Les Blanc.he.s peuvent parfois avoir du mal à saisir le traumatisme vécu et la charge raciale subie par les personnes racisées.  Ce traumatisme commence, très tôt, au moment de sa rencontre avec l’Autre où une micro-agression raciste a lieu. Généralement, pour se préserver, la personne racisée peut reléguer ces différentes micro-agressions dans son inconscient ou les souvenirs de ces micro-agressions peuvent être déformés.

Exemples de micro-agressions racistes

Comment expliquer les situations et les ressentis suivants ? :

  • Mise à l’écart parce que Noir.e
  • Rôle de la bonne copine / du copain sympa mais très rarement celui d’une petite amie potentielle ou d’un petit ami [*]
  • Exotisation, fétichisme
  • Blagues racistes et les stéréotypes
  • Moqueries sur le physique (les cheveux vus comme bizarres)
  • Interrogation sur la religion (t’es Noir.e, tu ne manges pas de porc ?)
  • Moins de soutiens et d’encouragements dans sa réussite scolaire
  • Minimisation du vécu, du ressenti

[*] on remarque que cela commence à changer après le collège / le lycée ?

Ces situations peuvent s’expliquer par la haine de certains Blanc.he.s, une haine irrationnelle des personnes racisées, un sentiment de supériorité intériorisé. Du coup, les personnes racisées sont-elles juste indésirables ? Considérées comme un groupe homogène ?

Quelque part, on leur enlève le droit à une individualité et cela commence dès l’enfance. La construction de l’Autre, la construction de la norme commence dès l’enfance. On répète ce qu’on entend. Les médias, les films, les publicités, la culture en général, l’éducation participent à cette norme et à ces représentations souvent erronées. Dans les films, séries ou même les livres, les personnes racisées sont peu valorisées ou même vues comme attractive. Cela a un impact dans la vie réelle car ces personnes vont se trouver moins bien, moins s’aimer, etc. Cela commence à changer doucement. En 2018, on a vu apparaître sur nos grands écrans des succès commerciaux dont les personnages principaux sont racisés (Black Panther et Crazy Rich Asian).

Conclusion

Finalement, cela montre que dès l’enfance, les relations sociales, avec les autres, sont imprégnés du spectre du racisme. Des personnes jugent que certaines personnes racisées voient le racisme partout mais c’est qu’elles n’ont pas, elles-mêmes, mesuré l’ampleur du racisme dans notre société et cela débute dès la naissance. Les personnes racisées ont le choix entre rester dans le déni ou bien d’affirmer des positions contre le racisme et de, paradoxalement, visibiliser leur existence. Leur existence est politique puisque l’objectif visé est « l’abolition des privilèges ethniques d’où qu’ils viennent » (F. Fanon).

Pour aller plus loin

  • Documentaires de l’INA : vidéo 1 et vidéo 2
  • Livre de Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs
Frantz Fanon Peau noire, masques blancs

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