J’inaugure ce blog de lecture portant sur des sujets de société avec un livre de Bell Hooks, Dela marge au centre. Théorie féministe (Cambourakis, 2017). Je vous renvoie à un article de Slate pour celles et ceux qui souhaitent en savoir plus sur l’autrice.
Féminisme intersectionnel
Ce livre invite à la réflexion sur le féminisme intersectionnel (genre, race et classe, définition sociologique de ces termes) avec une vision américaine mais qui reste très pertinente lorsque l’on souhaite réfléchir au féminisme intersectionnel en France.
La première publication de ce livre date de 1984. Le livre est divisé en plusieurs thématiques. Pour chaque thématique abordé, elle se base sur des théories féministes qui ont eu plus ou moins du succès qu’elle critique dans le but de construire sa pensée.
La diversité chez les femmes
Ce livre est plus précisément une invitation à réfléchir sur comment inclure tout le monde dans le mouvement féministe, en effet bell hooks propose des solutions pour chaque thématique abordée. Elle se positionne également dans une démarche politique du mouvement féministe, puisque les thématiques développées sont liées à des problèmes de société. Par exemple, elle souligne que souvent les femmes qui ont écrit des livres féministes étaient blanches, issues de la classe moyenne bourgeoise, ont fait des grandes études. Ces femmes oublient que ce qu’elles ont écrit n’est pas forcément valable pour toutes les femmes. Elles parlent de leur envie de travailler au lieu de rester à la maison mais comme le rappel bell hooks dans son livre, les femmes précaires dont les femmes noires constituent un groupe important ont toujours travaillé. Elle s’interroge aussi sur la notion d’égalité homme-femme, que mettons- nous derrière cette notion d’égalité ?
Comment inclure les hommes ?
Sans être exhaustive, elle questionne aussi les représentations masculines hégémoniques (la virilité par exemple), qui participent au patriarcat et qui font aussi souffrir un grand nombre d’hommes. Elle montre où le féminisme a échoué sur cette question, notamment en critiquant les féministes farouchement opposées aux hommes et au contraire, elle souhaite inclure ces hommes dans le féminisme et leur montrer les apports de ce mouvement. Aujourd’hui, j’observe que le mot « féministe » est devenu une sorte d’insulte. On associe souvent les féministes à des personnes misandres. C’est un raccourci véhiculé par les médias entre autres. Dans ce livre, elle explique bien en quoi l’exclusion radicale de tous les hommes est problématique, car oui on ne peut pas mettre tous les hommes dans le même panier : ils ne sont pas égaux entre eux, en termes de classe, de race. Mais on ne peut pas non plus oublier les dynamiques de dominations qui s’exercent dans nos sociétés. Donc à mon avis, elle tient compte de tous ces aspects pour développer son raisonnement.
Féminisme politique
Elle parle également de la pauvreté des femmes (métiers précaires), ce qui est toujours le cas actuellement en 2018, subissant le temps partiel (voir oxfam). Surtout que la plupart des féministes avec une situation confortable ont commencé à s’emparer du sujet lorsqu’elles ont découvert leur grande précarité après un divorce.
Aux lecteur.rice.s intéressé.e.s
Pour conclure, je le recommande à tout le monde, il est très facile à lire. Elle souhaite que le mouvement féministe s’adresse à tout le monde, je pense qu’elle a écrit ce livre en gardant cette idée en tête. Ce livre permet, aux personnes féministes ou proches du mouvement, de remettre certaines idées en place, de se rendre compte des évolutions, du chemin qui reste à faire et aussi d’avoir un autre point de vue sur des sujets auxquels on n’a pas forcément réfléchi. Après ce qui m’a frappé à la fin de cette lecture, c’est de réaliser que les choses évoluent très lentement. En effet le livre a été publié la première fois il y a plus de 30 ans mais il est toujours autant d’actualité.
Quelques citations
« Le féminisme est une lutte pour mettre fin à l’oppression sexiste. Par conséquent, c’est nécessairement une lutte pour éradiquer l’idéologie de la domination qui imprègne la culture occidentale à différents niveaux. C’est aussi un engagement dans la réorganisation de la société, afin que l’épanouissement personnel des gens prime sur l’impérialisme, l’expansion économique et les désirs matériels. »
De la marge au centre, théorie féministe, bell hooks, p.95
« Si une femme est opposée à toutes les formes d’oppression sociale, et quand bien même elle choisirait de concentrer ses efforts sur une problématique politique précise ou sur une cause particulière, sa perspective globale se manifestera dans tous ses engagements, aussi spécifiques soient-ils. »
De la marge au centre, théorie féministe, bell hooks, p.147 – 148
Merci pour partager cette lecture. Ça m’a donné envie de le lire… Je n’ai pas bien compris : quand elle parle de la virilité et de la souffrance des hommes, comment elle fait pour ne pas la rendre symétrique à l’oppression vécue par les femmes, pour éviter de tomber dans des discours masculinistes? Je suis curieux d’aller lire ça.
Bonne continuation pour ton blog!
Elle part du principe que la souffrance vécue par les hommes vient aussi du système patriarcal qui leur impose/dicte une certaine conduite, qui leur fait la promesse d’un pouvoir et d’une richesse etc. Elle garde quand même en-tête les relations systémiques de domination qui sont en jeu, contrairement aux masculinistes qui eux veulent conserver le système patriarcal et trouvent que les femmes dominent -_-